« Fainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations ».
Nicolas Bouvier, L’usage du monde
Un énorme et fabuleux classique! Paru en 1963, L’usage du monde de Nicolas Bouvier retrace deux ans de pérégrinations partagés avec le peintre Thierry Vernet, de la Yougoslavie au Pakistan.
Partis avec un accordéon, une petite Fiat Topolino et 3 000 francs en poche… les deux jeunes Suisses traversent l’Europe puis l’Asie centrale, vivant de petits boulots, d’expositions, d’articles ou de conférences… Le livre s’achève en Afghanistan à la passe de Khyber. Nicolas Bouvier continue seul son voyage de l’Inde jusqu’à Ceylan pour finir au Japon. Sur ces expériences, Nicolas Bouvier publiera d’autres bouquins comme Le poisson-scorpion (1982) ou Chronique japonaise (1975).
Éloge de la lenteur
L’usage du monde n’est devenu un livre « culte » que dans les années 1980. Les qualités littéraires sont pourtant là, mais il aura fallu un peu de temps… Le temps sans doute que le rythme du voyage contraste avec l’urgence d’un monde rapide. Car ce livre est l’éloge d’un voyage volontairement lent. Un voyage au gré des saisons où l’impératif de « voir » cède à la volonté de se fondre et de s’affronter. À l’heure des facilités où l’équation : Voyage = Tourisme = Paris + Châteaux de la Loire + Mont-Saint-Michel en 48 heures est à portée de main, le récit de Nicolas Bouvier offre un « bol d’air temporel » tiraillé par le rythme des envies et les limites imposées par les saisons ou les mouvements de population.
Un voyage se passe de motifs
Le voyage lent n’est pas sans risques, mais procure ces moments qui d’eux-mêmes le justifient. Le risque physique dans le désert du Lout… le risque de couper les ponts et de s’oublier. Le risque de ne plus décoller des « hibernations » de Tabriz ou de Quetta… Malgré la précarité de certaines situations, il lui était plus difficile de vivre dans des lieux sans poste, sans avoir la possibilité d’écrire pour communiquer avec l’extérieur. Une situation de plus en plus difficile à imaginer à l’heure où l’information fuse de partout à l’allure fulgurante d’un tweet…
La lenteur offre des moments rares dont le livre est truffé. La force de Nicolas Bouvier est de nous les faire ressentir. La première rencontre des protagonistes avec un camionneur indien, en pleine nuit dans une tchaikhane perdue d’un désert d’Iran, fait partie de ces moments. Trois personnes isolées, fatiguées et loin de chez elles. Deux mondes se rencontrent… Et le fait de dévisager pour la première fois un type en turban rose dont on ne comprend rien dans ces conditions… c’est, j’imagine, autrement plus « magique » que d’atterrir sans escale et pour la première fois en pleine journée de foire à Delhi…
Voilà!
Charles Boisseau
Blogue Globetrotter.fr
…ou les tribulations de Charles en vadrouille
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