J’aime beaucoup lire des récits d’autres voyageurs, découvrir de nouvelles perspectives, me défier de voir le monde et le voyage sous d’autres perspectives, alors j’ai décidé de vous présenter une entrevue que j’ai réalisée avec Laurent de blogue One Chaï, un voyageur dont j’aime beaucoup le style qui cumule plusieurs destinations moins courues!
Qui suis-je?
Au registre de l’état civil, je m’appelle Laurent et j’ai 41 ans. Ce cher registre ne le sait pas, mais je suis depuis un peu plus d’un an et demi l’auteur du blogue One Chaï. Je suis tombé dans la marmite des voyages un peu par hasard, le jour où un patron a décidé de m’envoyer en Inde pour deux semaines; c’était en 1997.
Moi en conducteur de rickshaw à Palitana en Inde. Une reconversion possible?
Un moustique m’a sans doute piqué et, en 2000, je partais pour une année sur les routes entre la France et le Laos par voie terrestre. Pourquoi ce choix de ne pas prendre l’avion, je ne sais plus trop, mais toujours est-il que ce choix m’a amené à visiter des pays qui ne figurent pas nécessairement sur tous les itinéraires, comme l’Iran, le Pakistan ou le Bangladesh, ce qu’on peut appeler des pays en dehors des sentiers battus. L’expérience fut on ne peut plus concluante, j’ai donc continué à essayer de quitter de temps à autre les autoroutes empruntées par mes congénères, sans que ça soit non plus une obsession. J’emprunte également les chemins usés avant par d’autres avec plaisir, mais il faut justement varier ces plaisirs.
Qu’est-ce qui constitue pour toi voyager hors des sentiers battus?
Pas évident de répondre à cette question, car elle est devenue par trop galvaudée. Il suffit de lire quelques questions sur les forums de voyage et on découvre qu’une large part des personnes voyageant de manière indépendante aspire « à aller en dehors des sentiers battus en vue de faire des rencontres authentiques ». Sauf que dans les faits, une majorité de ces personnes partent pour un voyage relativement court et veulent voir tous les « classiques » de la région visitée. Autant dire que l’équation n’a alors pas de solution. Voyager hors des sentiers battus, ça donne indéniablement un côté un peu plus aventurier au voyage, mais par définition, tout le monde ne va pas en dehors des sentiers battus!
On pourrait alors être tenté de croire que voyager en dehors des sentiers battus, c’est être un aventurier à la conquête de contrées perdues qui sont sans doute parfois dangereuses. Nous tombons alors dans l’autre extrême. De nombreux pays sont peu visités par les touristes sans représenter néanmoins la moindre difficulté ou le moindre danger sérieux.
La vieille ville de Yazd en Iran
La vérité doit donc être quelque part entre les deux. Je classerais en fait en 4 catégories les destinations en dehors des sentiers battus :
- Le pays visité est très instable avec une situation sécuritaire des plus dégradées. Mes destinations ne font pas partie de cette catégorie, car je ne suis pas une tête brûlée.
- Le pays visité a, pour diverse raison, été inaccessible pendant de nombreuses années et s’ouvre seulement au monde. On y trouve donc peu d’infrastructures dédiées au tourisme. Un exemple, le Kirghizstan.
- Le pays, par ce qu’en véhiculent les médias, a une image catastrophique en occident. Une majorité de gens pensent qu’y aller est dangereux, alors qu’en fait, ça ne l’est pas vraiment. Le meilleur exemple ici est sans doute l’Iran, ainsi que de nombreux pays africains.
- Le pays peut être très touristique, mais certaines régions ne le sont pas, car tout le monde se concentre aux mêmes endroits. Un exemple, l’Inde. Je reviens d’un voyage dans le Gujarat où, hormis à Diu, j’ai dû tout au plus croiser 10 voyageurs étrangers en trois semaines.
Quand on part pour un voyage en dehors de nos contrées occidentales pour la première fois, ça nous semble forcément être une réelle aventure et quelque part, ça l’est. On va se retrouver dans un environnement culturel très différent du nôtre avec beaucoup de choses à découvrir et à apprendre. Mais ça ne veut pas dire pour cela que c’est en dehors des sentiers battus. Ça n’est pas pour ça que ça n’en vaut pas la peine, pas du tout. Mais à la longue, on peut être amené à s’en lasser. L’afflux massif de touristes a un impact non négligeable sur les populations. Il y a des effets positifs, mais pas que ça.
Yourte au lac Song-Köl au Kirghizstan
Voyager en dehors des sentiers battus, ça permet donc de ne pas avoir à se demander, quand on croise une personne particulièrement accueillante et chaleureuse, ce qu’elle va essayer de nous vendre au bout du compte. Les relations humaines sont moins faussées par l’argent, mais elles le restent tout de même en partie, ne soyons pas non plus naïf. Ça permet également, au cas où on hésiterait, de rencontrer davantage les locaux. Dès que nous nous trouvons entourés d’autres voyageurs, une tendance assez naturelle nous pousse vers eux. Nombre d’entre eux sont évidemment très sympathiques et certains des personnes exceptionnelles, mais au départ, on était tout de même censé aller à la rencontre d’une autre culture, enfin, c’est ce qu’on disait. En dehors des sentiers battus, on n’a plus vraiment le choix, ça nous force un peu la main.
D’une manière générale, voyager en dehors des sentiers battus demande d’être moins passif face à son voyage. Par exemple, il faudra quelquefois faire des efforts pour apprendre quelques phrases clés dans l’idiome du pays. C’est peut-être un peu plus compliqué que de communiquer en français ou en anglais, mais quel plaisir quand on commence à se débrouiller un peu. Et quand ça ne fonctionne pas, le langage corporel fait très souvent des merveilles avec en prime quelques fous rires garantis de temps à autre.
Coucher de soleil à Rangamati au Bangladesh
Emprunter des chemins de traverse, c’est également goûter de gré ou de force à la cuisine locale. Car avouons-le, ça ne rate pas, dès qu’on voit un banana pancake au menu, on craque. Or la banana pancake n’est généralement pas encore arrivée en dehors des sentiers battus, même s’il voyage parfois à une vitesse ahurissante.
Vous en avez marre des foules de touristes, de devoir dire « no, thank you » 40 fois par jour parce qu’on veut vous vendre tout et n’importe quoi? Vous ne pouvez pas imaginer à quel point vous serez bien plus détendu, zen, quand ce bruit de fond disparaîtra.
Enfin, l’argument-choc pour les blogueurs, c’est l’occasion de sortir des sempiternels billets déjà vingt fois écrits. Car honnêtement, vous les lisez encore vous les articles sur les plus belles plages de Thaïlande ou je ne sais où? L’auditoire pour des contrées moins courues est peut-être plus limité, mais il est beaucoup plus fidèle et appréciera votre spécificité.
Quelle est selon toi l’aventure la plus originale que tu aies vécue?
Je ne dirais pas aventure, car ça n’était en rien compliqué, mais original, oui sans aucun doute. Je voyageais au Pakistan et venais d’arriver à Peshawar. Pour ceux qui commenceraient à se gratter la tête par rapport à ce que j’ai pu dire avant, pas dangereux, etc., nous sommes en 2000, une tout autre époque pour le Pakistan. À 40 km au sud de Peshawar se trouve Darra Adam Khel. La particularité de cette bourgade est d’être l’usine à armes de toute la région et l’un des plus gros marchés d’armes illégales au monde. Les rues de la ville ne sont qu’une succession de fabricants ou de vendeurs d’armes. Pratiquement tout le monde travaille pour ce business, même les plus jeunes. Je ne suis pas du tout amateur d’armes à feu, bien au contraire, mais l’expérience est tout de même surprenante. On y allait alors accompagné d’un policier. Inutile de dire qu’aujourd’hui, on n’y va plus!
Un artisan parmi bien d’autres à Darra Adam Khel au Pakistan
Quels sont tes conseils pour des voyageurs qui veulent sortir de leur zone de confort?
Le premier réflexe, c’est sans doute de mettre une croix sur toutes ces destinations très à la mode, notamment en Asie du Sud-Est. Pas de méprise à ce sujet, j’ai visité certains de ces pays comme le Laos et le Cambodge. Voyager y fut très plaisant, mais ça n’est clairement plus en dehors des sentiers battus, même si on peut tout de même y dénicher des régions peu visitées.
La meilleure des solutions, enfin la mienne en tout cas, pour renouveler un peu la liste des destinations, c’est de regarder une mappemonde et d’identifier des régions qui ne nous parlent pas vraiment. Ensuite, je vais glaner sur la toile des informations sur ces pays.
Il faut ensuite avoir du temps, ne pas courir. Ça ne veut pas dire qu’il faille partir pour des mois. Simplement, il ne faut pas avoir quinze étapes pour un séjour d’un mois, mais tout au plus une petite dizaine. Plus qu’ailleurs, ne pas vouloir tout planifier. Les informations que l’on a pu glaner avant de partir sont plus limitées et ne sont peut-être plus à jour. Les imprévus peuvent donc être plus nombreux. Il faut être flexible, s’adapter.
Une autre source d’idée que j’utilise parfois, ce sont les guides de voyage Bradt. Cette maison d’édition s’est faite le chantre de ces pays ignorés. Ça donne une bonne liste de pays accessibles au voyageur, mais pas forcément très courus.
Le Registan à Samarcande en Ouzbékistan
Ne pas négliger par contre que voyager en dehors des sentiers battus ne coûte pas moins cher. C’est même souvent l’inverse. Les régions très visitées voient nécessairement l’offre d’hébergement augmenter, et très souvent, concurrence oblige, les prix baissent ou la qualité de la prestation augmente.
Mon dernier conseil pour ceux qui préparent un itinéraire dit « tour du monde », pourquoi toujours opter pour l’Asie, suivie de l’Australie et/ou la Nouvelle-Zélande avant de terminer par l’Amérique du Sud? Regardez à nouveau votre mappemonde, le plus souvent, en plein milieu, il y a un continent énorme où personne ne met les pieds, l’Afrique!
Parlant de l’Afrique, peux-tu nous en dire plus sur de bons endroits par où commencer?
Tout dépend de ce qu’on recherche. Je suis encore loin de l’expertise quant à ce continent, car j’ai moi aussi attendu quelque temps avant de mettre en pratique cet adage. Si je devais conseiller un pays, ça serait sans hésiter Madagascar. Alors certes, ça ne fait pas à proprement parler du continent africain, mais ça n’est tout de même pas très loin! Les foules ne s’y précipitent pas vraiment alors que la grande île, l’île rouge, recèle de véritables merveilles par exemple la vallée du Tsaranoro. Bon an mal an, 500 000 touristes posent les pieds sur l’île de la Réunion relativement proche pour seulement 250 000 à Madagascar. Ce n’est certes pas forcément le même genre de voyage, mais ça laisse tout de même à réfléchir quand à un certain comportement moutonnier non?
La vallée du Tsaranoro à Madagascar
Pour les destinations que l’on considérerait peut-être comme plus africaines, l’Afrique de l’Ouest, essentiellement francophone, marque durablement de nombreux voyageurs. Ils sont d’ailleurs nombreux à en faire une sorte d’obsession en y revenant pour ainsi dire tous les ans. Je ne connais pour ma part que le Burkina Faso où je suis allé en 2012, mais compte bien retourner dans la région, en Guinée, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo ou encore Bénin. Évidemment, il y a également le Mali, mais il va falloir attendre quelque temps.
L’Afrique de l’Ouest n’offre peut-être pas les monuments et autres temples somptueux que l’on peut voir en Asie, mais il y règne une ambiance qu’il faut vraiment découvrir, cette terre rouge, ces gens, cette brousse. Et pour ceux qui seraient fâchés avec l’anglais, hormis le Ghana, le Liberia et la Sierra Leone, on y parle français.
Merci Laurent!
Quel est le pays “hors des sentiers battus” qui vous plairait le plus?
21 commentaires
Bianca @La Grande Déroute
14 juillet 2014 à 10 h 50Très intéressant et agréable à lire!
Pour ma part, j’ai une sorte de petite fascination sans explication pour le Suriname. Je ne sais pas si on peut classer cette destination dans la catégorie “hors sentier battus”, mais voilà, ce pays me donne l’impression de ne pas être au top popularité non plus.
Jennifer Doré Dallas
14 juillet 2014 à 01 h 14C’est vrai qu’on en entend très peu parler. Iras-tu bientôt?
Bianca @La Grande Déroute
14 juillet 2014 à 10 h 29Bientôt, non! (prochaine destination: quelques mois en Asie). Un jour, assurément 😉
Jennifer Doré Dallas
16 juillet 2014 à 11 h 04Ah ben c’est quand même pas mal du tout 🙂
Rachel @ Blog voyage Découverte Monde
14 juillet 2014 à 01 h 14Super entretien. Merci Jennifer de nous offrir ce beau billet et merci à toi Laurent d’encore une fois nous amener dans un monde 🙂 Pour la question c’est pas facile, mais je dirais que la Mongolie m’attire beaucoup et de plus en plus les pays de l’ancienne URSS. L’Afrique aussi c’est clair. Mais je suis toujours un peu craintive de sortir dans des zones trop reculés. Mais une fois qu’on est sur place ce sont souvent les meilleurs expériences.
Laurent
16 juillet 2014 à 05 h 20Ah, bah la Mongolie, ça trotte depuis pas mal de temps dans ma tête également Rachel 🙂 Mais il faudrait que j’améliore ma technique de monte du cheval qui est plus le moment … désastreuse (enfin surtout pour mon derrière !).
Jennifer Doré Dallas
16 juillet 2014 à 11 h 05C’est vrai que ça fait rêver la Mongolie. Avais-tu vu l’épisode de Partir Autrement?
Valé[email protected]
15 juillet 2014 à 09 h 44Quelle belle interview, très intéressante à lire et pleines de pépites.
Pour le moment aucun pays “hors sentier battus” de visiter mais en même temps, pour le moment, ce n’est pas non plus ce que je recherche.
Laurent
16 juillet 2014 à 05 h 24Bonjour Valérie,
Quitter les sentiers battus n’est pas nécessairement un but en soi, ça peut également être juste un pas de côté 2-3 jours durant un voyage dans des régions plus touristiques. C’est possible dans de nombreux pays.
Amandine
15 juillet 2014 à 10 h 51Très chouette interview ^^
Je connais bien sûr le blog de Laurent, c’est un des premiers que j’ai commencé à suivre … Et que je suis toujours avec plaisir, sûrement justement pour ce côté “hors des sentiers battus”.
L’Afrique … un jour j’irai ! Décidément entre toi, la famille Poussin et Aline de NowMadNow, vous êtes de plus en plus nombreux à me donner envie d’aller à Madagascar 😉
Laurent
16 juillet 2014 à 05 h 28Salut Amandine,
Franchement, c’est une perle Madagascar. Qu’on en parle si peu reste pour moi un mystère. J’ai mis moi même des années à ne serait-ce qu’y penser, c’est une amie qui m’a mis sur la voie. À croire que la grande île serait invisible sur les cartes !
Jennifer Doré Dallas
16 juillet 2014 à 11 h 03Ça donne tellement envie! C’est facile de s’y retrouver pour les moins expérimentés d’Afrique? 🙂
Laurent
17 juillet 2014 à 04 h 58Voyager à Madagascar (en tout cas le long de la RN7) est relativement simple. Il faut juste accepter un confort très limité dans les taxis-brousse (il n’y a pas de bus), suivant le nombre de personnes qu’ils acceptent d’ajouter en route. Mes 1m90 furent quelques fois un peu douloureux 😉
Jennifer Doré Dallas
17 juillet 2014 à 06 h 56hahah je soupçonne qu’avec mon large popotin ça doit être toute une épopée 😉
Hélène
15 juillet 2014 à 11 h 10Superbe billet ! Merci Jennifer pour cette rencontre avec ce personnage qu’est Laurent 😉
C’est vraiment inspirant comme façon de voyager…
Ses photos du Kirghizstan m’avait laissé rêveuse face à ce pays que je ne savais même pas situer sur la mappemonde !
Laurent
16 juillet 2014 à 05 h 32Salut Hélène,
Si ça peut te rassurer, je n’avais moi non plus pas la moindre idée d’où se trouvait le Kirghizstan avant d’étudier l’Asie Centrale sur une carte. Je ne suis même pas certain que je connaissais le nom du pays, c’est dire. Mais visiblement, les choses changent. Le nombre de visiteurs a pour ainsi doublé entre 2099 et 2013.
Jennifer Doré Dallas
16 juillet 2014 à 11 h 02Héhé, je me confesse : j’ai validé en lisant ton article avant la publication! 😉
Tiphanya
14 août 2014 à 12 h 08Je ne découvre que maintenant cette interview et j’adore les photos de Laurent. Bon avant tout car il me plonge dans mes souvenirs du Kirghizstan avec des photos bien meilleurs que les miennes.
Ensuite, parce que stupidement, je pense que quelqu’un qui a eu l’idée de visiter un pays comme le Kirghizstan ne peut qu’être quelqu’un de bien. Comme un clan de voyageurs un peu à part, prétention de ma part, car je n’ai pas fait 1/10e de ses découvertes et que j’ai du mal à sortir des sentiers battus (je croyais le faire en Sicile, pour découvrir finalement que la ville est dans tous les top des plus belles plages…).
Par contre l’Iran me donne envie.
Jennifer Doré Dallas
14 août 2014 à 01 h 46Il est inspirant ce Laurent! Et oui, tu peux bien te vanter un peu 🙂 hehe! 🙂
Laurent
15 août 2014 à 12 h 35Et bien merci Tiphanya pour ces bons mots 🙂 D’un autre côté, je n’étais pas non plus enceinte (un problème technique !) comme toi au Kirghizstan, donc ça simplifie, j’imagine, un peu le voyage.
Je ne connais pas du tout la Sicile, mais j’imagine qu’il n’est pas forcément évident d’éviter les foules sur une île en Europe occidentale non ? Mais ailleurs en Italie, ça doit être possible, j’imagine.
Jennifer Doré Dallas
15 août 2014 à 12 h 43Je ne sais pas pour la Sicile, mais ailleurs en Italie, je confirme, il est possible d’éviter les foules. Mon petit bled préféré de Tavarnelle Val di Pesa tout près de Florence est vide et pourtant si merveilleux 😉 Faut que j’arrête de le dire, sinon…